Chapitre 43
Appeler le sous-sol de Dachev un vide sanitaire laisserait supposer qu’il contenait pas mal d’espace vide. Si je voulais seulement me retourner, je devais me faire toute petite et baisser la tête.
Bien que la pleine lune éclaire suffisamment l’étage pour me permettre d’y voir, il faisait totalement noir ici, même avec la trappe ouverte. Je lançai un sort pour faire apparaître une boule de lumière. Elle dura moins d’une seconde, juste assez pour imprimer sur mes rétines l’image de murs de terre avant de s’éteindre. Je le relançai. Idem. J’avais toujours considéré ce sort comme enfantin et m’en servais si peu que je n’avais même pas pris la peine de l’enseigner à Savannah. Mais depuis mon arrivée dans le monde des esprits, je m’en servais régulièrement, et il devait donc y avoir quelque chose dans les conditions souterraines qui faisait s’éteindre la lumière. Je réessayai deux fois, puis renonçai.
Dachev m’avait dit que le livre se trouvait sur une étagère sur la gauche, juste en dessous de la trappe. Mais je n’y sentais qu’un réseau de minces racines. Tandis que je les inspectais à tâtons, la porte d’entrée claqua. Je me retournai le plus vite possible pour passer les mains le long du côté droit, puis du mur du fond. Mes doigts accrochèrent les racines et mes ongles se remplirent de terre, mais je ne sentais rien qui ressemble à une étagère ni à un livre.
Je lançai de nouveau le sort. Puis une fois de plus. Et une autre. J’obtenais chaque fois un instantané d’une fraction de seconde, et tous révélaient la même chose : une étendue ininterrompue de terre et de racines.
Des pas traversèrent le salon. Je me tortillai et avançai tant bien que mal jusqu’à l’autre côté, regardant frénétiquement autour de moi, passant les mains sur les murs, délogeant des mottes de terre humide dont la puanteur m’emplissait les narines.
— Vous avez le livre ? demanda la voix de Dachev qui résonna dans la pièce au-dessus de moi.
Je passai les mains le long du plafond. Des échardes s’enfoncèrent dans mes paumes. C’était une surface uniforme de planches de bois.
— Il n’y a pas de livre, dis-je en serrant les dents.
Le rire de Dachev flotta jusqu’en bas.
— Vous m’avez dit…, commençai-je. Il baissa la tête dans le vide sanitaire, regarda tout autour de lui, puis la retira.
— J’ai dit que je vous révélerais le secret si vous me rapportiez le livre… ce que j’aurais fait s’il y avait eu un livre à rapporter.
Je serrai les dents et m’obligeai à me taire. Comme je ne répondais pas, il passa de nouveau la tête à l’intérieur, cherchant une fois de plus, en vain, à me voir.
— Vous feriez aussi bien de sortir de là, me dit-il. Vous n’avez nulle part où aller.
Tandis qu’il parlait, je m’avançai furtivement, puis m’arrêtai quand il se tut. Il soupira.
— Vous tapir dans ce trou ne vous ressemble pas. Ou alors, vous boudez ?
Cette fois, je parcourus la moitié de la distance. Lorsqu’il marqua une pause, je brûlais d’avancer de quelques pas supplémentaires, mais n’osai pas. Même le chuchotement de mes vêtements alors que je bougeais était trop fort. Quand il reprit la parole, je me remis en marche.
— Je vais compter jusqu’à cinq, et ensuite je vais descendre vous chercher et vous entraîner par vos jolis cheveux longs.
J’attendis, séparée de son visage par trente centimètres à peine, m’efforçant de rester immobile.
— Cinq… Quatre…
Je lui passai un bras autour du cou et tirai. Il tomba dans le trou. Il se retrouva sur moi et s’efforça de me clouer les bras au sol. Comme il n’arrivait pas à trouver prise, il saisit mes cheveux. J’abattis ma paume ouverte sur le dessous de sa mâchoire. Il retomba en arrière avec un grognement.
Je m’extirpai d’en dessous de lui. Il tendit de nouveau la main vers moi, mais je m’écartai hors de portée et saisis le bord de la trappe pour me hisser à l’étage. Quand il me fonça dessus, je lui balançai un coup de pied en pleine figure. Il recula en titubant. Je me laissai tomber dans le trou et atterris sur lui.
Il se débattit pour me repousser, mais je parvins à le retourner sur le ventre. Je m’agenouillai de mon mieux sur son dos. Puis je lui saisis les mains, les maintins en place et, avec mes dents, détachai le bout de liane supplémentaire. Il se tortilla, se débattit et jura mais je parvins, après quelques tentatives, à lui attacher chevilles et poignets à l’aide de la liane.
— Vous vous croyez maligne ? rugit-il. Il suffit que je pousse un seul cri et toutes ces bestioles, là-haut, vont débarquer en courant…
— Oups, j’ai failli oublier. Merci.
Je lui fourrai mon autre chaussette dans la bouche. Puis je lui accordai l’honneur même qu’il m’avait promis : je lui agrippai les cheveux et le traînai hors du vide sanitaire.
— Donc, dis-je tout en le lâchant sur le sol de la chambre. Vous allez m’expliquer comment attraper la nixe ?
Il se contenta de plisser les yeux, d’une façon qui signifiait « Allez vous faire foutre » dans toutes les langues.
— Très bien, dis-je. Je reviendrai dans deux jours pour voir si vous avez changé d’avis.
Tandis que je me dirigeais vers le salon, Dachev émit un bruit guttural derrière son bâillon.
— Oh non, ne vous en faites pas, lui dis-je. Je ne vais pas vous abandonner. Vous aurez beaucoup de compagnie… dès que j’aurai appris à vos camarades où vous vous trouvez.
Il me laissa aller jusqu’à la porte d’entrée, puis cogna l’épaule contre le sol pour attirer mon attention. Je passai la tête par la porte de la chambre.
— Oui ?
Il grogna et mordit furieusement son bâillon. Je retirai la chaussette de sa bouche.
— Prêt à parler ? demandai-je.
— Détachez-moi d’abord.
J’éclatai de rire.
— Dans ce cas, pas de marché. Vous allez prendre ce que vous voulez et me laisser comme ça.
— Non, mais puisque vous ne me connaissez pas assez pour me croire sur parole, je vais vous exaucer à moitié. Comme ça, si je vous trahis, vous pourrez au moins courir.
Il lâcha un flot d’obscénités, dont l’une au moins perdait à la traduction en anglais.
— Continuez comme ça et je remets la chaussette en place. (Je lançai le sort détecteur de mensonges.) Maintenant, parlez ou je m’en vais.
Il montra les dents mais, au bout d’un moment, cracha sa partie de l’incantation.
— Comment peut-on attraper la nixe ? demandai-je.
Nouvelle hésitation, puis :
— En tuant le corps de l’hôte.
— Ça, je le sais déjà. Mais vous y êtes arrivé sans épée. Comment ?
Pendant une bonne minute, je n’entendis que le grincement de ses dents, tandis qu’il réfléchissait à un moyen de se tirer de cette situation. Puis il dit enfin :
— En tuant… sans tuer.
— Je n’aime pas les devinettes.
Il se pencha en arrière pour lever les yeux vers moi.
— Ah non ? Pourquoi ça ? Parce qu’elles nécessitent d’utiliser davantage que vos poings et vos pieds ? Il n’y a pas grand-chose dans cette jolie tête, hein ?
— Non. Juste assez pour vous piéger.
Il plissa les yeux.
— On pourrait zapper la partie insultes ? demandai-je ? Plus tôt je sortirai d’ici, mieux on s’en portera tous les deux.
— Il faut la tuer sans la laisser mourir.
— Lui porter un coup mortel, vous voulez dire. (Je m’interrompis pour réfléchir.) Si l’hôte est toujours vivante, elle peut quitter son corps. Si l’hôte meurt, elle peut le faire aussi… à moins d’être embrochée au bout de l’épée d’un ange. Mais pendant cet intervalle entre vie et mort, elle est coincée, c’est ça ?
Dachev me lança un regard noir.
— Oui ou non, insistai-je. Est-ce qu’elle est coincée dans le corps de l’hôte quand il se trouve entre la vie et la mort ?
— Oui.
— Mais comment la faire sortir ? Par un sortilège ?
— Non. (Il marqua une pause, mais je voyais bien qu’il voulait en finir, et il reprit au bout d’un moment :) Son esprit commence à se séparer à la mort de l’hôte. Vous le verrez. À ce stade, elle est impuissante – elle ne peut pas se transporter et elle ne possède plus sa force démoniaque.
Je me rappelai le foyer municipal, où la nixe avait quitté le corps de sa partenaire avant que Trsiel puisse lui porter le coup fatal. J’avais vu son esprit s’échapper de Lily. Mais ce scénario posait un problème. Le coup fatal, justement. L’espace d’une fraction de seconde, je paniquai, persuadée d’être revenue au point de départ et de ne pouvoir trouver aucun moyen d’attraper la nixe sans tuer Jaime, et si les Parques ne l’autorisaient pas, alors comment…
— Mais l’hôte n’est pas morte, dis-je. Elle a été ressuscitée non ?
La mâchoire de Dachev se crispa. Au bout d’un moment, il hocha la tête.
— Répondez-moi tout haut, lui dis-je.
— Oui, lâcha-t-il à travers ses dents. Elle a été ramenée à la vie. Il y avait des gens dans les environs. Quelqu’un l’a trouvée…
— Et ressuscitée. (Je m’approchai de lui.) Où avez-vous découvert comment faire ça ? Dans un livre ?
Il éclata d’un rire bref.
— Un livre ? Les livres sont pour ceux qui n’ont pas la capacité mentale de réfléchir par eux-mêmes. J’ai trouvé ça tout seul.
Ses yeux s’assombrirent.
— Hum, vous voulez bien me la refaire ? demandai-je.
Il lâcha un nouveau flot de jurons. Je marquai une pause pour réfléchir, puis éclatai de rire assez fort pour que la soudaineté du bruit le fasse sursauter.
— C’était un accident, hein ? dis-je. Vous pourchassiez la nixe, vous l’avez trouvée, et alors que vous vous demandiez que faire ensuite, sa partenaire a failli mourir. Vous avez vu l’esprit de la nixe et vous lui avez proposé un marché. Soit elle vous aidait à échapper aux Parques, soit vous lâchiez un ange sur elle. Ce n’était pas prévu. C’était un pur coup de bol.
Dachev montra les dents, puis cracha par terre.
— Pas la peine de répondre, dis-je.
Je défis ses liens.
— Voilà, je vous libère comme prévu…
Il se redressa d’un bond et me frappa, me renversant en arrière. Je récupérai mais il recula avant que je puisse riposter. Il traversa la pièce, poings serrés, puis se retourna pour me faire face.
— Vous avez obtenu ce pour quoi vous étiez venue, dit-il. Maintenant, buvez votre potion et tirez-vous.
— Oh, je vais le faire, ne vous inquiétez pas.
Un minuscule sourire lui étira les lèvres.
— Non, ma jolie, je ne crois pas.
Il leva la main, poing serré, et la retourna paume vers le ciel, comme un magicien qui s’apprête à dévoiler une pièce cachée. Quand il l’ouvrit, je sus ce que j’allais y découvrir. Je me mis à courir avant même de voir le flacon de potion anti-géhenne. J’avais parcouru trois quarts du chemin quand il renversa le flacon débouché. La potion se répandit par terre.
Mon corps percuta le sien en le plaquant contre le mur. Je lui arrachai le flacon, mais il était vide.
Dachev me saisit le bras et me jeta à terre. Dans ma chute, je m’efforçai d’attraper sa jambe et de le déséquilibrer, mais ratai mon coup. Je heurtai rudement le sol avec Dachev au-dessus de moi. Je tentai de me dégager mais il appuyait de tout son poids.
— Ne vous débattez pas, ma jolie, murmura-t-il. Ça ne vous fera que plus mal. Je suis désolé pour votre potion. Mais j’ai un cadeau pour vous. Quelque chose qui va la remplacer.
Toujours au-dessus de moi, il plongea la main dans sa poche et en tira quelque chose qu’il éleva vers mon visage. C’était l’un des couteaux de pierre taillée de l’autre type.
— Je crois que nous allons bien nous amuser avec ça, dit-il. Beaucoup plus que nous l’aurions fait avec votre potion.
Je commençai à lancer un sort d’entrave. Dès l’instant où les premiers mots quittèrent mes lèvres, il ouvrit de grands yeux sous l’effet de la confusion puis de la fureur. Je compris mon erreur et m’efforçai de conclure l’incantation à toute vitesse. Son poing me heurta la joue. J’entendis l’os craquer et une dent me tomber dans la gorge. Je toussai et la dent jaillit au bout d’un filament de salive. Je voulus reprendre l’incantation mais Dachev me plaqua la main sur la gorge.
— Une sorcière ? rugit-il en approchant le visage du mien. Alors c’était ça que je reconnaissais. Vous n’avez pas pris la peine de m’éclairer sur ce point. Vous n’osiez pas, hein ?
Cette fois encore, je tentai de le repousser mais il m’avait parfaitement immobilisée, si bien que je ne pouvais guère faire grand-chose de plus que jeter des coups d’œil impuissants derrière son dos.
— Vous croyez que je ne sais pas comment vous maintenir en place, sorcière ? dit-il. Lors de mon procès, certains ont cru que je me servais d’un sédatif sur mes victimes. D’autres pensaient que je les assommais. Mais non. Quel plaisir y a-t-il à charcuter une carcasse insensible ?
Je plissai les yeux, espérant réussir à faire appel à une partie de mes pouvoirs d’Aspicio pour l’aveugler.
— Ne me regardez pas comme ça, sorcière, dit-il en gloussant de rire. Je ne vous ai pas choquée. Je le lis dans vos yeux. Vous me faites penser à elle, vous savez. À la nixe.
Il éleva le couteau.
— Je ne compte pas vous épargner pour autant. Après tout, elle m’a trahi. Je lui pardonne. Mais ça ne m’empêche pas d’imaginer comment j’aimerais la trahir. L’amour et la haine. Même impulsion, même passion.
J’agitai les doigts pour lancer un sort repoussoir et réussis à prononcer le seul mot nécessaire pour jeter ce sort de mage. Rien ne se produisit.
— Vous êtes impuissante sans vos sorts, hein, sorcière ? (Il sourit.) Enfin, sans vos sorts et vos coups de pied et de poing. Vous savez vous battre. Aucune de mes victimes ne le savait. Très décevant.
Je tentai de plisser de nouveau les yeux pour l’aveugler, puis me ravisai. Laisse tomber et restes-en à ce qui fonctionne. Mais je devais choisir avec soin. Plus le sort était puissant, plus il nécessiterait d’énergie. Si je lançais un sort exigeant sans réussir à le neutraliser, j’étais foutue – incapable de lancer quelque chose de plus fort qu’un sort de camouflage. Je vidai mon cerveau et entrepris la préparation mentale nécessaire pour un sort de sorcière de haut niveau.
Dachev poursuivit :
— Je crois que je vais vous laisser vous battre. Mais d’abord, il faut que je vous apprenne contre quel sort vous vous battez. Nous allons commencer par un échantillonnage. Rien de trop handicapant. Pas un bras ou une jambe. Peut-être un doigt ou deux ? Non. Ça vous gênerait quand même et me donnerait un avantage déloyal. Disons une oreille. Ou peut-être le nez. Je vais vous trancher une oreille ou vous fendre le nez. (Il se pencha vers mon visage, retroussant les lèvres sur ses dents en souriant.) Je vous laisse le choix.
Je feignis de me débattre afin de gagner du temps pour préparer mon sort. Dachev m’immobilisa facilement.
— Ça suffit, dit-il. Si vous ne choisissez pas, et vite, je vais faire les deux.
J’articulai quelque chose. Il fronça les sourcils.
— Pardon ?
Cette fois encore, j’ouvris la bouche, comme si j’avais du mal à parler, mais il n’en sortit qu’un bruit étranglé.
Il relâcha la pression sur ma gorge. La bouche légèrement entrouverte, je chuchotai quelques mots de l’incantation, mais je savais que je n’aurais pas le temps de la terminer.
— L’oreille, dis-je. Prenez mon oreille.
Je parvins à prononcer quelques mots de plus avant que son bras me serre de nouveau la gorge. Je fermai les yeux quand le couteau approcha de mon oreille. La lame pénétra dans la peau tendre entre mon visage et le lobe de mon oreille et commença à trancher à travers le lobe. Quand il atteignit le cartilage, il se pencha pour avoir un meilleur angle. La pression se relâcha alors sur ma gorge et je réussis à chuchoter la dernière ligne de l’incantation.
Dachev poussa un hurlement à vous crever les tympans. Je me dégageai de dessous lui et me relevai d’un bond. Il resta à terre, plié en deux, hurlant comme si ses tripes étaient en flammes. Ce qui était le cas. J’avais utilisé un sort de boule de feu pour faire apparaître la même boule de feu simple et presque inutile dont se servait Paige. Avec une seule différence notable. Elle avait été invoquée dans le ventre de la cible, produisant quelques instants d’atroce souffrance, suivis d’une mort rapide. Sauf quand on était déjà mort, bien sûr.
Dachev roula sur le sol, serrant son ventre. Je m’approchai de lui, me penchai et lui arrachai le couteau des mains.
— Si vous m’entendez, ce sera fini dans une minute, lui dis-je. Le feu, je veux dire. Quant à la brûlure, eh bien, elle mettra un moment à guérir. (Je me penchai sur lui et lui souris.) En attendant, vous allez devoir vous reposer au lit. Je crois que je peux vous aider sur ce point.
Je m’agenouillai près de lui. Je saisis sa jambe d’une main, le couteau de l’autre et me préparai à lui trancher les jarrets. Si j’étais coincée ici jusqu’à ce qu’on vienne à mon secours, pas question que je laisse à Dachev la moindre chance de revanche. Tandis qu’il se tortillait en hurlant, en proie à une douleur trop grande pour tenter de s’enfuir – ou même pour comprendre ce que je faisais – je découpai sa jambe de pantalon.
— Qu’est-ce que ça lui a fait ? demanda une voix derrière moi.
L’homme au gourdin se tenait sur le pas de la porte, son arme en main. Il regarda fixement Dachev et son front lisse comme celui d’un bébé se plissa. Il tourna son regard vers moi et sourit, dévoilant une rangée de dents tordues à faire fantasmer un orthodontiste.
— Je croyais que c’était parti, dit-il en s’avançant dans la pièce, cognant le gourdin contre sa jambe.
— Peut-être que ça a commencé à jouer. (L’homme au couteau entra, une lame faite maison dans chaque main.) Ça veut jouer encore un peu ?
Serrant toujours le couteau, je me relevai.
— Vous voyez comment je joue ? dis-je en désignant Dachev, qui se tortillait toujours en gémissant. Je ne crois pas être le genre de camarade de jeu que vous cherchez. Mais si vous partez sur-le-champ, j’oublierai que je vous ai vu et…
L’homme au gourdin fonça sur moi. Je lançai un sort d’entrave, mais mes pouvoirs étaient trop affaiblis et il ne le piégea qu’une fraction de seconde avant qu’il se libère. Derrière lui arrivèrent l’homme au couteau, le loup-garou et un rouquin que je n’avais encore jamais vu. Une autre ombre se glissa par la porte, mais je ne restai pas voir de qui il s’agissait.
Je fis volte-face, me mis à courir et fonçai droit à travers la fenêtre. Une sortie très théâtrale… même si j’aurais préféré ne pas devoir sortir. Bien que je déteste m’enfuir, je m’étais suffisamment entraînée avec ces types un peu plus tôt pour savoir que je ne pouvais pas les tenir longtemps à distance pendant un combat, pas sans mes pouvoirs. Mieux valait ramener ma carcasse dans les bois jusqu’à ce que je trouve comment regagner ma dimension.
Tandis que je filais par l’arrière de la maison, j’entendis un bruit de course derrière moi. Je regardai par-dessus mon épaule. Le type au couteau était déjà sorti. Il recula le bras… et je percutai un airbag géant.
Tandis que je reculais en titubant, je vis l’airbag en question – un type avec trois mentons et un ventre assez gros pour accueillir un fœtus à terme.
— Vous allez quelque part ? gronda-t-il.
Une lame s’enfonça dans mon omoplate. Je me tortillai et délogeai l’homme au couteau de mon dos par un coup de pied. L’obèse me saisit par les épaules. Je remuai pour échapper à sa poigne et reculai… pour me retrouver aussitôt cernée. Même l’homme-oiseau s’était joint au groupe, les lianes pendant toujours à ses poignets, ses yeux gris et ternes brûlant de rage.
— Six contre une ? dis-je. Pas franchement équitable. Vous savez quoi, vous n’avez qu’à désigner un champion et les autres pourront toujours regarder…
L’oiseau, le loup-garou et l’obèse me foncèrent dessus. Je m’écartai vivement, mais les autres s’approchèrent pour me barrer la route. Je regardai autour de moi, trouvai l’emplacement le plus dégagé et y fonçai tout en jetant un sort de camouflage.
Quand j’atteignis le sol, je disparus. Cette fois encore, ils s’arrêtèrent tous, en proie à une confusion passagère. Avant qu’ils puissent retrouver leurs esprits, je me relevai et m’élançai vers la forêt.